“Illustre César, pardonnez cette intrusion tardive, il ne s’agit là que de la tentative d’une mère trop aimante de rassurer son noble fils » Un sourire bienveillant était dessiné sur le visage de la jolie brune qui se tenait fièrement devant l’Empereur. Rien dans son attitude ne laissait deviner que seulement quelques heures auparavant, elle avait été victime dún accident, et encore moins qu’elle était parfaitement consciente que cet accident n’était en réalité qu’une tentative de meurtre déguisée, dont l’auteur en personne n’était personne d’autre que le jeune homme qui se tenait devant elle : son propre fils, l’empereur Neron. « Et César n’est que trop heureux de voir que sa mère bien aimée a échappée à ce terrible accident. » Un sourire sur le visage, le jeune empereur se leva pour s’approcher de sa mère et de la serrer dans ses bras. Sans doute que plus d’un des patriciens présents dans la pièce à ce moment précis crut réellement assister à de tendres retrouvailles mère-fils. Après tout, la proximité qui existait entre l’Empereur et sa mère était connue à travers tout l’Empire. Une trop grande proximité selon certains qui, toujours en quête de nouveaux commérages, allaient même jusqu’à comparer le jeune Empereur à Œdipe. Les seules personnes qui connaissaient la véritable raison pour ces « retrouvailles » étaient les deux principaux concernés. Car si Agrippine était venue au palais impérial vêtue de sa plus belle stola et portant ses joyaux les plus précieux, ce n’était nullement pour rassurer un fils. Non, elle était venue ici pour lui montrer qu’il avait – une fois de plus – échoué face à sa mère et lui rappeler que même s’il portait désormais le nom de César Auguste, l’Empereur béni des Dieux, il existait toujours des choses qui lui étaient impossibles. Serrant tendrement son fils dans ses bras, elle murmura : « Un bateau saboté ? Ton ingéniosité me surprendra toujours, Neron. Mais tu oublies qui t’as permis de grimper à la tête de l’Empire, et grâce au soutien de qui tu y es toujours. » Puis, comme si cette mise en garde n’avait pas eu lieu, elle l’embrassa sur le front, continuant cette charade qui avait commencé au moment où elle était entrée dans la pièce. « Ne t’entête pas à aller contre la volonté des Dieux, ou comme ton oncle Calligula, tu devras subir leur colère. » La voix de la jolie brune était douce, mélodieuse, et si basse que seul Néron pouvait entendre cette menace. Car si Agrippinaa était sur d’une chose, c’était bien que les Dieux ne semblaient pas vouloir sa mort… du moins, pas encore. Car comment aurait-elle pu s’échapper seule du naufrage de son bateau, si un des immortels ne lui serait pas venu à l’aide ?

Se décollant de l’Empereur, le regard de la jolie brune croisa celui de son fils. Là où autrefois il y avait eu de l’admiration et de l’amour filial, il n’y avait désormais plus que de la colère et de la… haine ? ’Mon cher Ahenobarbus, tu as eu raison. Un monstre est né de notre union.’ Jusque-là, Agrippine n’avait jamais accordé la moindre importance à ses mots qu’avait prononcés son premier époux, Cnaeus Domitius Ahenobarbus, le jour de naissance de leur fils, Neron. Et pourquoi l’aurait-elle fait ? Ce n’avaient été que les mots d’un ivrogne. Mais devant le regard glacial de son fils, elle devait se rendre à l’évidence : comme elle, il ne s’arrêterait pas avant d’avoir atteint son but. Et pour l’instant, son but semblait clair : se débarrasser de sa mère qu’il jugeait trop encombrante. Ses tentatives d’empoisonnement avaient échoué, tout comme son dernier plan : que mijotera-t-il pour le prochain attentat à la vie de sa mère ? Car une chose  était sûr : il viendrait. La seule question était de savoir quand.

Le visage impassible, Agrippine se détourna et retourna à sa propre villa, le cœur lourd. Ce n’était pas la première fois que l’on attentait à sa vie. La majorité de sa famille était morte d’une mort non-naturelle, et si elle était toujours en vie, c’était tout simplement parce qu’elle avait su se débarrasser de ses ennemis avant qu’ils ne puissent frapper… Mais quoi faire si le prix de sa survie était la vie de son propre fils ?