Assise au comptoir, Taylor avait un verre de vin à la main et elle observait les autres clients. Elle aimait s’imaginer leurs vies en dehors de ce bar et se plaisait à s’en inventer une autre. Si quelqu’un lui posait des questions sur son passé, elle s’inventait une histoire ne s’éloignant pas tellement des contes de fées. Se créant un mari aimant qui l’attendait à la maison et une enfance idyllique. Alors que son existence était exactement tout le contraire.

Taylor avait grandi uniquement avec sa mère, son père l’ayant abandonné, et elle avait eu un beau-père qui avait pris l’habitude de la battre. Elle s’était enfuie de cet enfer dès qu’elle en avait eu l’occasion, espérant rencontrer un homme qui en vaudrait la peine, mais tout ce qu’elle avait aujourd’hui, c’était un petit boulot qui ne lui apportait aucune gloire et une vie des plus solitaires. La belle avait toujours rêvé de posséder une énorme famille, de vivre dans une grande maison et s’occuper de ceux qu’elle aimait chaque jour que Dieu lui donnait.

Un homme s’approcha doucement d’elle, la fixant avec insistance. « Je peux vous offrir un verre ? » Taylor finit son verre de vin d’une traite et hocha positivement la tête. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle reste seule ce soir. Ce travail, en plus de lui payer son loyer, lui permettait de rencontrer bon nombre de messieurs à qui elle avait beaucoup de mal à dire non. Elle se sentait extrêmement seule et, malheureusement, la seule façon de combler sa solitude était les rencontres qu’elle faisait au bar. « Comment tu t’appelles, beau brun ? » Sa voix était enrouée, elle avait tout donné ce soir et les années qui passaient n’aidaient en rien.  

En ce 30 mars 1975, elle était loin de savoir qu’elle vivrait sa dernière soirée. Cet homme qui l’aguichait sans vergogne ne la séduit pas, car elle pensait bien trop à Andrew et à la vie qu’elle aurait pu avoir si elle lui avait dit « oui ». Ce simple mot aurait changé toute sa vie, mais elle en attendait bien plus à l’époque et voilà où elle se trouvait aujourd’hui, accoudée au bar, noyant sa tristesse dans l’alcool. Alors elle avait pris sa voiture, roulant sans s’arrêter, espérant trouver un chemin qui bousculerait son existence. Au lieu de ça, sa voiture quitta la route, alors qu’elle s’était endormie au volant, atterrissant dans un tronc d’arbre et ne lui laissant même pas le temps de réaliser qu’elle était en train de mourir.