journée du 6 août ▬ ❝ Cher journal, je suis de retour. J'aurais espéré ne pas retoucher à ce fichu carnet, mais c'est plus fort que moi. Ce n'est pas bon signe, je le sais bien. Parler à une feuille vierge, enfin à un carnet - mais tout de même dans le vide - ce n'est pas bon signe. Oui, c'est par cela que je voulais commencer, pour ne pas oublier. Ce que je voulais dire - ah et vous voyez bien, je m'embrouille déjà - c'est que je pense, et je n'en suis pas certaine, mais je pense que je suis, en quelques sortes, malade. Et quand je dis malade, je n’entend pas la signification médicale du terme, mais dans le sens de ❝ cinglée ❞, ❝ folle ❞. Dans tout les cas, quelque chose ne tourne définitivement pas rond chez moi. Voyez, même à cet instant précis, je suis prise d'une envie incontrôlable ( non,  je dirais plutôt d'un besoin véritable ) de m’emparer d'un stylo et de voir se former des lettres, puis des mots. Je ressens un véritable soulagement au son délicieux du crayon de bois, qui grince, danse et murmure sur le papier. Non, mais vous m'entendez ? Moi, Eleonora Winchcombe, qui n'a jamais apprécié les matières littéraires et ne s'est jamais épris d'un seul fichu bouquin, commence à ressentir le réel besoin d'écrire tout ce qui se passe dans sa morne vie. Et puis - ce qu'il y a de plus étrange dans toute cette histoire d'écriture, c'est qu'à l'instant même où je m'empare du crayon, c'est comme si je m’apprêtais à écrire quelque chose dont je n'arrive plus à me souvenir. Une sensation très étrange que je n'avais jamais connue jusque là s'empare de moi. Un instant auparavant, je me jette sur mon carnet avec empressement, une idée précise et claire se dessine dans mon esprit et l'instant d'après : le néant. C'est étrange à dire, mais c'est comme si une forme d'amnésie opérait sur mon cerveau. Alors, je lâche mon stylo, déconcertée et ressent une véritable frustration dont je ne connais pas la cause.  ❞  

soirée du 8 août ▬ ❝ Quelque chose de vraiment désagréable s'est produit aujourd'hui, mais je n'ai pas la force d'écrire ou même de penser ce soir. Je le raconterais surement demain, ou peut-être pas. Je suis épuisée. Je vais me coucher. ❞  
La jeune femme se leva de sa chaise, laissa un soupire s'échapper de ses lèvres avant de jeter avec désinvolture le carnet de vieux cuir sur son bureau. Ce qu'Eleonora avait alors désiré - dans un vain espoir - était de mettre sur papier ses instants d'angoisses qui l'avaient habité toute la journée. D'ordinaire, elle arrive à contenir ses crises le jour et ne les laisse grandir qu'une fois seul le soir. Cependant, depuis quelques temps, les choses n'ont pas arrêter de s'empirer pour la jeune Wichcombe. Tout est imparfait, elle le sent. Absolument tout la dégoûte, y comprit elle-même. Il y a comme un gout malsain qui parcourt son être tout entier. A présent, seul dans sa chambre, la jeune femme s'agite fiévreusement. Une multitude de sensations parcourt son corps. Elle voudrait à la fois pleurer et frapper le mur qui fait face à elle. Presque tremblante, elle sert ses poings avec énergie et s'apprête à soulager sa rage ainsi que son angoisse, avant d'en perdre soudainement la force. Bientôt, elle sent une profonde fatigue monter en elle. Complétement épuisée, elle se laisse lâchement tomber sur son lit. Alors, son corps entier lui paraît être un poids écœurant qui lui est impossible de porter. Elle sent ses membres la lâcher et bientôt, ne ressent plus qu'une désagréable impression de vide. Faute de mieux, elle attarde un instant son regard sur la demi-lune qui se dessine dans le ciel et qui illumine les murs de sa chambre. Elle eu, l'espace d'un court instant, l'idée saugrenue de trouver un certain réconfort dans les bras de son père. Mais, la jeune femme changea immédiatement d'avis, lorsqu'elle se rappela qu'elle n'était plus une petite fille et que ces crises d'angoisses étaient un secret qu'elle se devait désormais de garder pour elle, si celle-ci ne voulait pas passer pour folle aux yeux de tous.

La nuit est tombée depuis maintenant plusieurs heures sur la belle ville de Florence , mais bientôt les environs qui enlacent la demeure des Mancinelli basculèrent vers une obscurité presque inquiétante. Annabella, seul dans sa chambre, ne peut ressentir cette noirceur qui l'entoure qu'à travers les bouffées de chaleurs qui montent petit à petit en elle. En effet, pour les yeux de la jeune femme, l'obscurité est toujours présente tel que le son angoissant du silence l'est pour ses oreilles. Ainsi donc, en lisant ces simples faits, on suppose avec une évidence tout à fait naturel que la nuit ne puisse, en aucun cas, apparaître comme une quelconque source d'angoisse pour la jeune femme. Cependant, étant plongé de manière permanente dans celle-ci, ce n'est pas tant le manque de luminosité que la nuit entraine, ou encore la mélodie pesante qu'elle murmure qui angoisse Annabella, mais le fait de se retrouver seul dans cette grande chambre. Sans personne près d'elle pour lui rappeler qu'elle est en vie, la jeune italienne sent son corps entier l'abandonner. Longtemps après son accident, la jeune femme ne pouvait rester seul ; comme dans un soucis de se savoir toujours en vie, Annabella avait un véritable besoin de sentir, sous le toucher de sa main, la pulsation d'un corps humain. A présent, c'est contre son être tout entier que la jeune femme lutte. Des heures durent, elle a cherché en vain le sommeil avec le naïf espoir de s'y refugier. Cependant, comme malgré elle, et sans perdre tout à fait le désir de le trouver, la belle blonde a tout bonnement cesser de batailler contre cette angoisse naissante. Bientôt, elle permis à son corps entier de se laisser submerger par cette folie nocturne qui monte en elle. Il lui semble à présent sangloter, bien qu'elle n'en soit pas tout à fait certaine. A force de solitude et de ne pas pouvoir elle-même entendre les sons qu'elle gémit s’échapper de ses lèvres, Annabella croit parfois avoir également perdus la parole. Elle essaya tant bien que mal de se calmer, mais elle sentis qu'elle n'y parviendrais pas. Entre ces larmes et sa respiration qui s'accélère puis se bloque, elle a la désagréable impression d'étouffer. Elle suffoque. Elle sent comme une pierre qui étouffe son cœur, son être tout entier. Elle panique. Elle veut hurler, mais n'entend toujours rien. Et cette pression dans sa poitrine qui se tord, qui se noie. Elle porte ses mains aux deux extrémitées de son visage, mais ne parvient toujours pas à se calmer. Elle le sens, elle ne vas pas y arriver. ▬  ❝ Il faut que ça cesse, pitié. Il faut que ça cesse ❞ répète-elle avec acharnement.  Elle voudrait que tout s'arrête, que tout se termine ; ne plus rien ressentir si c'est cela à quoi sa vie est à présent réduite.
[...]
Soudain, elle sentie les douces lèvres de son amie se poser sur les siennes. Le souffle coupé, surprise par ce baiser qu'elle n'attendais pas, la douce Annabella sent lentement son angoisse retomber. Son amie lui caresse à présent le dos avec douceur et gentillesse, comme dans un soucis de l'apaiser. A chaque fois, elle reçoit ses baisers non pas comme un signe de promesse ou d'amour certains, mais comme un doux secret qui se poserait sur ses lèvres. Un secret admirablement délicieux qui jouerait avec ses lèvres, sa nuque, sa peau, son être tout entier. cette forte relations qui les lie, a quelque chose d'absolument merveilleux, un je ne sais quoi de grisant qui vous arrache le plus paisible des sourires. Cette amitié indescriptible qui les unit a la sensation d'une véritable bouffée d'air frais. Lorsque son amie lui adresse son sourire le plus discret pour toute personne extérieur, mais pourtant le plus significatif pour elle - sourire que Annabella peut sentir du bout des lèvres par le plie ironique et malicieux qui se dessine aux commissures de la bouche de son amie - la jeune femme oublie toute ses angoisses. Bien que plus apaisé que quelques minutes auparavant, la belle Mancinelli sent encore de légers tremblements convulsifs diriger ses membres. La main à présent recroqueviller dans celles de son amie, Annabella s'accroche à la jeune femme comme un marin à son navire. Bientôt, elle s'allonge de tout son corps sous les couvertures de soies couleurs écrus et s’endort sans peine, lovée dans les bras de son amie. Cette nuit, la jeune femme dormis du plus paisible des sommeils et fit le plus merveilleux des rêves. ▬  ❝ Étendue dans les hautes herbes de l'immense domaine qui entoure la demeure des  Mancinelli, Annabella peut sentir avec un plaisir des plus délicieux le vent se glisser entre sa chevelure et sa nuque, tel une douce main amicale. Le vent lui murmure à l'oreille des aires de printemps tandis que le soleil lui caresse affectueusement le visage. Elle peut sentir dans la paume de sa main, les doigts de son amie jouer, glisser, danser délicatement sur sa peau. Près de son amie, elle se sent vivre à nouveau. Au côtés de la jeune femme, installée au creux de ses reins, il lui parait pouvoir contempler à nouveau le bleu azur et éclatant du ciel. Bientôt, il lui semble voir parfaitement et de manière très précise les nuages au couleurs grisâtres de la pluie prochaine se dessiner sous ses yeux. Elle est à nouveau éblouit par la beauté du monde qui s'offre à elle. Elle se sent vivante, enfin. Elle peut observer et entendre à nouveau, ah ! Qu'elle bonheur, qu'elle folie. Et encore, il lui parait qu'elle n'a jamais eu une ouïe et une vue aussi précise auparavant. Sa joie et son enthousiasme sont présents. Elle pourrait presque pleurer de bonheur face à la beauté infinie du monde qui l'entoure. Dans quelques instant, si elle tend l'oreille, il lui semble entendre à nouveau le chuchotement des oiseaux dansants et le grincements des feuilles volantes lorsqu'une légère brise effleure sa chevelure. Elle écoute la nature qui l'accompagne et semble découvrir avec surprise et curiosité - tel un nourrisson qui découvre l'univers dans lequel il apparait - les moindres petits bruits ou les plus discrets chuchotement de la nature. ❞  Elle se réveilla le lendemain matin, non pas peinée et aigris par cette déception qui se fit dans son cœurs, mais presque joyeuse et vivante lorsqu'elle sentit les lèvres brulantes de son amie se poser contre les siennes.